Qu’entend-on par sélectivité ?
On peut définir la sélectivité d’un engin de pêche (chalut, palangre, filet…) par sa capacité à capturer seulement les espèces désirées, matures et de tailles « commerciales ». Les pêcheurs, aidés par les scientifiques, améliorent donc en permanence leurs engins de pêche pour remplir l’objectif qu’ils se sont fixés d’exploiter durablement la ressource. Depuis plus de 20 ans, la flotte française applique donc le principe « trier sur le fond plutôt que sur le pont ».
Pourquoi améliorer la sélectivité ?
- D’abord pour préserver la ressource : Le Conseil International pour l’Exploration de la Mer (CIEM) juge l’amélioration de la sélectivité des engins de pêche comme étant une mesure plus efficace que la réduction de l’effort de pêche pour atteindre les objectifs de Rendement maximal durable (RMD).
- Pour respecter la réglementation : le principe de l’obligation de débarquement a été instauré progressivement entre 2015 et 2019. Il concerne désormais toutes les espèces soumises à des limitations de capture qui ne peuvent donc plus être rejetées en mer.
- Pour maintenir la rentabilité économique : En améliorant la sélectivité de ses engins, le pêcheur limite la prise d’espèces non désirées et réduit donc leur temps de traitement à bord. Il diminue également sa consommation de carburant.
La sélectivité est donc à la fois une exigence et une nécessité. Mais c’est aussi une question de responsabilité professionnelle !
Comment teste-t-on la sélectivité ?
Les dispositifs sélectifs sont élaborés en lien avec les patrons pêcheurs et les scientifiques d’Ifremer. Une fois définis, ils sont, le plus souvent, testés en bassin d’essai à Ifremer.
Les dispositifs sont ensuite construits pour être testés en mer à bord des navires professionnels. Les chaluts avec dispositifs sélectifs sont testés en parallèle du chalut standard pour comparer les captures et définir l’efficacité du dispositif. Lorsque le chalutier est au chalut jumeau, le dispositif est ajouté sur un seul des chaluts pour comparer au sein d’une même opération de pêche. Lorsque le chalutier est au chalut simple, le chalut avec dispositif est mis à l’eau lors d’une opération de pêche sur 2.
Les captures sont enregistrée par un observateur présent à bord du navire, saisie en base de donnée et analysées afin d’évaluer l’efficacité du dispositif.
Le bon dispositif sélectif laisse échapper les individus indésirés tout en maintenant les volumes de captures débarquées.
Cela permet de garantir l’équilibre économique du navire !
Quelques programmes d’amélioration
de la sélectivité …
Les programmes CELSELEC (mer CELtique SELECtivité), REDRESSE (REDuction des REjetS et amélioration de la SElectivité dans le golfe de Gascogne) ou OPTISEL (OPTImisation de la SELectivité) avaient pour but de tester des dispositifs permettant de réduire les rejets en améliorant la sélectivité des engins de pêche.
- Mené par Les Pêcheurs de Bretagne en partenariat avec Ifremer, le programme CELSELEC concernait les chalutiers de mer Celtique. Il testait trois dispositifs en conditions réelles : la grille à lotte, le cylindre à mailles carrées et la rallonge en mailles T90.
- Le programme REDRESSE, mené par l’Aglia (Association du Grand Littoral Atlantique) concernait les chalutiers de fond, les fileyeurs, les chalutiers pélagiques et les senneurs danois du golfe de Gascogne. Les tests modifiaient le chalut en ajoutant des dispositifs laissant échapper les espèces non désirées ou de taille trop petite.
- Mené par l’AGLIA, le projet OPTISEL s’est concentré sur 3 axes : 1) fiabiliser et optimiser la grille à langoustine, 2) expérimenter une grille à lotte dans le golfe de Gascogne, et 3) tester les palangres à espadon dans le golfe de Gascogne.
Les résultats du projet REDRESSE sont en ligne ici .
Tout les informations et résultats du projet OPTISEL sont consultables ici .
Ces projets illustrent parfaitement et concrètement l’approche partenariale qui existe entre les organisations professionnelles et les scientifiques d’Ifremer (Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer).
Les mesures déjà adoptées :
- L’augmentation de la taille des maillages
Pour favoriser l’échappement des juvéniles de poissons, le maillage minimum des chaluts a progressivement été augmenté dans les différentes zones de pêche (golfe de Gascogne, Manche-Ouest, mer Celtique, Ouest-Ecosse) depuis le début des années 2000.
- Les dispositifs spécifiques
- Dans le golfe de Gascogne, depuis 2006 un panneau à mailles carrées permettant de laisser échapper les petits merlus est obligatoire.
- Depuis 2008, les professionnels ciblant la langoustine doivent utiliser un des dispositifs suivants : l’augmentation du maillage du cul de chalut (80 mm au lieu de 70 mm), le panneau à mailles carrées ventral, les grilles à barreaux semi-rigides en position haute ou basse ou le cylindre à mailles carrées.
- En mer Celtique depuis 2012, et avec des actualisations jusqu’en 2019, les maillages ont été augmentés afin de préserver les stocks d’églefin, merlan et cabillaud. Selon les zones et les compositions de captures, les navires peuvent choisir entre des associations de « taille de maillage de cul + panneaux à mailles carrés de différents maillages + l’utilisation ou non d’un chalut décollé ».
- Depuis 2022, afin de préserver le stock de sole du golfe de Gascogne, les chalutiers doivent utiliser un maillage minimal de 80 mm du 1er janvier au 31 mai et du 1er octobre au 31 décembre.
Des maillages plus sélectifs !
La maille losange (image de gauche) est le montage classique des mailles dans un chalut. Quand la maille est étirée au maximum, elle a tendance à se fermer.
• Les mailles carrées
Une rotation de 45° a été donné au maillage losange classique (image du milieu). Ces mailles carrées présentent l’intérêt majeur de s’ouvrir davantage que les mailles losange en limitant la géométrie variable de la maille. Elles permettent donc un échappement plus facile des juvéniles. Ce dispositif peut être monté en panneau ou en cylindre.
• Le T90
Les mailles en T90 sont des mailles en losange tournées à 90° par rapport au sens normal de montage (image de droite). Ainsi, les forces de traction du chalut ne s’exercent plus dans le sens de fermeture des mailles mais plutôt dans celui de leur ouverture permettant l’échappement de certains poissons. Ce dispositif montre des résultats encourageants notamment sur le sanglier en mer Celtique.