Les professionnels, sentinelles des mers, constatent au quotidien une augmentation de la présence de cétacés sur les zones de pêche qu’ils fréquentent. En relation avec cette augmentation, plus d’échouages ont été observés les années récentes. Cela est une préoccupation pour tous, à commencer par les professionnels.
Les causes de ces échouages sont multiples :
- Causes naturelles : mort consécutive à l’échouage vivant accidentel, compétition interspécifique, prédation, autres morts naturelles ;
- Pathologies : mauvais état sanitaire démontré par la présence de lésions significatives ou d’un parasitisme sévère ;
- Capture accidentelle ;
- Autres causes anthropiques : collision, traumatisme crânien, présence de corps étranger, enchevêtrement, etc.…
Les pêcheurs ont été proactifs pour trouver des solutions aux captures accidentelles et cela depuis 2004. Ce phénomène a fait l’objet de plusieurs études de 2004 à 2009 dans le golfe de Gascogne menées en partenariat avec les scientifiques de l’Ifremer et de Pélagis (CRMM à l’époque). Ces projets scientifiques ont abouti au développement par l’Ifremer d’un répulsif acoustique, le CETASAVER qui semble être efficace pour réduire les captures accidentelles de dauphins. Pourtant, ce dispositif n’a pas été commercialisé suite à ce programme faute de partenaires industriels.
Des pingers fonctionnel pour les chalutiers pélagiques …
Compte tenu des pics d’échouages observés à l’hiver 2017 et des évolutions technologiques de ces dernières années, les professionnels ont décidé de reprendre les tests des pingers.
Dès l’hiver 2018, des expérimentations ont été réalisées sur des chalutiers pélagiques à partir d’un produit existant, le pinger DDD03H développé par la société STM, montrant des résultats positifs mais dont les effets restaient à valider. Plusieurs paires de navires volontaires ont donc testé ce pinger DDD03H selon un protocole alternant traits avec et sans pinger, et accompagnés d’un observateur scientifique. Le projet « PIC », porté par Les Pêcheurs de Bretagne, en partenariat avec Ifremer et Pelagis, a permis de suivre 218 opérations de pêche (OPs), dont 84 avec pingers actifs (38,5%) et 134 sans pingers (61,5%). Sur 24 OPs avec captures accidentelles de dauphins communs, 5 OPs ont été réalisées avec les pingers actifs. Sur un total de 61 dauphins communs capturés accidentellement, 6 l’ont été lorsque les pingers étaient actifs. La phase de modélisation conclut que l’utilisation de ces pingers a permis de réduire significativement de 65%[15,98] le taux de captures accidentelles de mammifères marins.
Des solutions prometteuses pour les fileyeurs …
Les professionnels se sont également engagés pour développer et tester de nouveaux dispositifs acoustiques adaptés à la flottille des fileyeurs, plus performants mais aussi plus respectueux des mammifères marins et de l’environnement.
Les projets LICADO, DOLPHINFREE et PIFIL se sont ainsi succédés.
Le projet LICADO porté par le CNPMEM, en partenariat avec l’Ifremer, Pélagis, OC-Tech, Les Pêcheurs de Bretagne et l’AGLIA est né en 2019. Une réflexion et des essais de réflecteurs acoustiques formés de 2 bouts maillés longitudinalement dans la nappe du filet ont été menés. L’objectif est de permettre au dauphin de mieux identifier la nappe du filet grâce à la propriété acoustique du bout choisi. Le nombre de test est trop peu important pour étudier l’efficacité de ce dispositif sur les captures accidentelles de dauphins communs. La difficulté de la confection « industrielle » de nappes de filets avec réflecteurs est le point critique de l’acceptation et du développement actuel de cette technologie. Le programme LICADO a également permis de valider scientifiquement l’efficacité jusqu’à 200m du signal acoustique CETASAVER pour repousser les dauphins communs. Les pingers ont été testé lors des hivers 2020, 2021 et 2022 lors de 2 phases de pêche : 1) lors du filage avec un pinger qui émet à partir du navire; 2) lorsque le filet est en pêche avec des pingers disposés sur le filet. 148 OPs ont été observées dont 121 avec pingers actifs pour les essais lors du filage; et 234 OPs ont été suivies dont 189 avec pingers actifs pour les tests sur le filet en pêche. Les essais réalisés ont permis d’éprouver les prototypes développés et de proposer des pistes d’amélioration des dispositifs, comme la fonction interactivité, avant d’équiper un nombre plus conséquent de navires. Cette fonction « interactivité » a été développée pour les pingers placés sur les filets afin que ces derniers ne s’activent que lorsqu’ils perçoivent l’activité d’un dauphin autour et ainsi limiter le temps d’émission du signal. Cependant, le caractère singulier et aléatoire des captures accidentelles à l’échelle d’un fileyeur nécessite un nombre plus important d’opérations de pêche observées pour conclure quantitativement sur les effets des dispositifs testés.
C’est ce qui a été réalisé dans le projet PIFIL avec l’équipement de 30 fileyeurs. Lancé en octobre 2021, ce projet porté par le CNPMEM, en partenariat avec les CRPMEM et Organisations de Producteurs de la façade Atlantique ainsi que l’AGLIA, OC-TECH, l’Ifremer et l’Université de Pau et des Pays de l’Adour avait pour objectif d’acquérir un nombre important de données pour évaluer l’efficacité du CETASAvER lors de la phase de filage. Deux pingers sont fixés sur la coques des navires, activés en passerelle lors de la phase de filage un jour sur 2. Un total de 3524 OPs ont été suivies entre 2021 et 2023. Les résultats montrent que les captures accidentelles sont des évènements ponctuels, posant des difficultés pour les analyses statistiques. Bien que les captures accidentelles soient moins nombreuses lors des OPs utilisant le pinger, comparées à celles n’en utilisant pas, les données restent insuffisantes pour quantifier statistiquement l’efficacité du dispositif.
Enfin, le projet DOLPHINFREE a été lancé en 2020 par l’Université de Montpellier, avec MARBEC, LIRMM, Pelagis, l’OP Les Pêcheurs de Bretagne, OCTech et l’AGLIA. En capitalisant sur les expérimentations du projet LICADO, DOLPHINFREE a développé un signal informatif et bio-inspiré, autrement dit compréhensible pour les dauphins communs. Après avoir testé et validé le signa bio-inspiré en mer sur des groupes de dauphins, des essais ont été menés avec des balises mises en place sur les filets de 10 fileyeurs en 2021 et 2022. 1043 OPs ont été observées, dont 409 effectuées avec balises acoustiques. Pour des raisons identiques aux projets précédents, le faible nombre d’OPs observées ne permet pas d’évaluer de manière significative l’efficacité du dispositif.
Le travail continue afin d’avancer collectivement et de valider des solutions durables pour tous.
Vu les bons résultats du projet PIC les professionnels ont décidé d’équiper les chalutiers pélagiques de pinger au quotidien. L’arrêté du 26 décembre 2019 impose donc l’utilisation des dispositifs actifs de dissuasion acoustique entre le 1er janvier et le 30 avril de chaque année, pour des chalutiers pélagiques (PTM, OTM, TM) français de longueur hors-tout supérieure à 12 mètres, dans les zones CIEM VIII a, b, c et d.
Un Plan d’Action pour les Mammifères Marins est également lancé par l’état français pour l’hiver 2025, en vu d’équiper un nombre important de fileyeurs du golfe de Gascogne en dispositif PIFIL ou DOLFINFREE afin de déterminer statistiquement l’efficacité de ces 2 dispositifs.