En cette période particulièrement difficile pour la filière et en premier lieu pour les navigants, certains professionnels peuvent légitimement se laisser séduire par la tentation du repli sur soi ou des discours démagogiques. Mais la diversité des activités et l’importance du collectif réuni au sein de Les Pêcheurs de Bretagne font la force de notre OP et permettent de tirer pleinement avantage d’une gestion mutualisée. Une diversité qui peut toutefois être un frein au sentiment d’appartenance, car il est parfois difficile de fédérer 670 adhérents dispersés depuis le port de Granville à celui de Saint-de-Luz, pratiquant des métiers différents sur des bateaux de types et de tailles différentes (voir carte ci-dessous). Il est donc important pour nous de rappeler les intérêts de la gestion collective qu’offre l’adhésion à l’OP :
- Une assurance marché
- La mutualisation des droits à autorisations de pêche (AEP/ANP)
- La mutualisation des antériorités des navires
- La gestion des quotas
- L’expertise et l’appui technique et administratif
Une assurance marché
Pour une cotisation modeste, de l’ordre de 0,85€ pour 100€ de chiffre d’affaires en moyenne, chaque adhérent bénéficie d’une assurance non plafonnée sur la vente de ses produits. Pour autant, elle ne doit encourager ni le gaspillage des ressources marines, ni celui des ressources financières de l’OP. Aucune pêcherie n’est à l’abri d’un accident ponctuel et inattendu et c’est pour répondre à de telles situations que l’assurance marché de l’OP est prévue.
Comme pour toute assurance, les volumes pris en charge et les montants indemnisés aux navires peuvent très vite dépasser celui de leurs cotisations annuelles. Ce qu’un bateau seul ne pourrait assumer financièrement, devient possible grâce à la gestion collective, rationnelle et mesurée.
Depuis 2014, l’OP ne bénéficie d’aucun financement européen pour ce système d’assurance marché, entièrement autofinancé sur ses fonds propres, c’est-à-dire grâce aux cotisations de ses adhérents. Or, c’est un mécanisme dont le fonctionnement même est très lourd à gérer. En effet, pour prendre en charge en moyenne 1% seulement des volumes mis en ligne, les agents de l’OP doivent scruter CHAQUE vente et trouver un débouché pour CHAQUE lot qui se retrouve en situation « d’achat OP ». Contrairement à un « mareyeur classique » qui peut cibler les produits qui l’intéressent, l’OP achète en général de petits volumes sous de nombreuses criées, pour des produits qui ne trouvent pas preneurs à cette période-là… !
Le traitement administratif, comptable et financier s’entend jusqu’à la rémunération de chaque navire. Il mobilise plusieurs membres de l’équipe de l’OP et représente l’une de ses principales charges de fonctionnement.
La mutualisation des droits à autorisations de pêche (AEP/ANP)
Au fil des mouvements de navires qui sont vendus ou achetés par les adhérents, certaines autorisations de pêche libérées par les uns peuvent bénéficier à d’autres.
Lors d’un changement de façade maritime, par exemple Manche /Golfe de Gascogne, les autorisations spécifiques nécessaires dans une zone peuvent s’avérer inutiles dans l’autre ; l’OP peut alors jouer le rôle d’intermédiaire et servir de « bourse d’échange » entre ses adhérents.
De la même façon, lorsqu’un adhérent change de navire ou effectue des travaux impliquant une modification du PME, certaines des AEP/ANP contingentées en UMS ou en kW doivent être « complétées ». Si une réserve « mutualisée » est disponible au niveau de l’OP, du fait de mouvements antérieurs de navires, un complément peut alors être apporté pour le projet de de l’adhérent.
La mutualisation des antériorités des navires
Chaque année, l’État confie à l’OP une quote-part du quota national en fonction du cumul des antériorités de pêche de ses adhérents, calculées sur les années de référence 2001-2003. Or, il existe une très grande disparité entre les adhérents : certains ont des antériorités, d’autres pas, ou peu. D’autres disposent d’antériorités ne correspondant plus du tout au métier qu’ils pratiquent. Si chaque professionnel devait gérer lui-même « ses » quotas, il serait en permanence contraint d’échanger, de louer ou d’acheter, d’un côté ce qui lui est nécessaire pour son activité – avec parfois de fortes variations d’une année sur l’autre – et, de l’autre, de céder ou de vendre ses éventuels « surplus ». Chaque pêcheur devrait ainsi devenir un « courtier » s’exposant à de nombreux risques et aléas dont il n’a pas la maîtrise. En adhérant à l’OP, les pêcheurs bénéficient à la fois de la mise en commun des antériorités, des échanges de quotas réalisés par l’OP avec ses homologues français et européens et de la réserve d’antériorités de l’OP, constituée lors des Plans de Sortie de Flotte.
Grâce à cette gestion collective par l’OP, chaque adhérent bénéficie d’un accès « libre » et non limité pour la majorité des quotas, comme c’est le cas pour la lotte par exemple. D’autres espèces comme le merlu notamment peuvent être gérées de façon contingentée pour certains métiers (en général les « gros faiseurs ») alors que tous les autres navires, qui n’en font que des captures accessoires, n’ont quant à eux pas à se soucier de leurs éventuelles antériorités. Lorsque le quota global de l’OP est très limitant, l’ensemble des adhérents peut être contraint. C’est évidemment une situation qui complexifie la « clé de partage » entre des navires dont les situations individuelles sont très différentes (taille du navire, pêche ciblée ou accessoire, niveau de dépendance au quota, historique d’activité, etc.)
Il n’existe AUCUNE solution idéale, mais globalement, le partage est plus facile lorsqu’on dispose, comme c’est le cas au sein de Les Pêcheurs de Bretagne, d’une quote-part importante du quota national voire du TAC européen.
La gestion des quotas
La gestion collective des quotas au sein de l’OP, régie par des règles partagées et communes, sécurise chacun des adhérents pour une exploitation du 1er janvier au 31 décembre. A l’opposé, dans un système non géré, hors OP, c’est la « pêche Olympique » qui est la règle ; autrement dit pêcher aussi vite que possible le maximum de volume avant que le quota ne soit fermé…
Naturellement chacun comprend les problèmes que cela entraine et mesure à l’inverse combien une gestion organisée et collective peut rapporter à chaque bateau.
Un quota consommé trop vite en début d’année entraine généralement un effondrement des cours, une fermeture du quota et un arrêt prématuré de la pêche. Par exemple, en 2016-2017, sans la régulation mise en place par l’OP, le quota de langoustine aurait été pleinement consommé durant l’été, privant l’ensemble des producteurs d’une valorisation optimale avec des prix plus élevés en fin d’année. Concrètement, un bateau qui pêche 1,5t à 13,5 €/kg sur le dernier trimestre gagne près de 10 000€ de plus que s’il avait pêché et vendu le même volume à un prix proche du prix d’achat OP en mai ou juin (et avant que le quota ne soit fermé).
L’expertise et l’appui technique et administratif
Personne mieux que les pêcheurs ne sait la complexité administrative et réglementaire qu’ils vivent au quotidien. Un emballement de textes réglementaires et de contraintes qui tend malheureusement à s’accélérer et à se renforcer.
Dans ce contexte, vous savez que vous pouvez compter sur l’expertise et sur l’engagement des chargés de mission de l’OP pour vous éclairer et vous expliquer, si besoin, à mieux comprendre et interpréter des textes souvent complexes et indigestes. L’OP s’attache à vulgariser et à diffuser régulièrement des informations actualisées à l’ensemble des adhérents et répond aux sollicitations directes. Une écoute et un service qui s’avèrent bien plus rentables pour les pêcheurs que de chercher eux-mêmes, au risque de passer à côté d’une nouvelle réglementation, à faire ce travail de veille et d’analyse.
L’OP simplifie aussi la relation avec l’Administration pour les opérations récurrentes telles que le renouvellement annuel des AEP et ANP et pour des questions plus ponctuelles, comme les contrôles, les demandes de justificatifs, les déclarations particulières de type export ou e-BCD etc.
Tout ce travail, au bénéfice de l’ensemble des adhérents, requiert une expertise, est très chronophage pour les agents de l’OP et nécessite d’être financé, au moins en partie par les cotisations de ses membres.
Quelques exemples concrets de l’intérêt de la gestion collective
- L’exemple de l’assurance marché mutualisée :
Au plus fort de la crise, le montant des achats OP a pu atteindre l’équivalent de 3 années pleines de cotisations annuelles pour certains hauturiers (25-35k€) et de 4 années pleines pour certaines côtiers (10-12k€) !
Cela illustre bien le principe d’une « assurance (marché) mutualisée » où ceux qui subissent « l’accident (de marché) » bénéficient d’une couverture qui peut aller bien au-delà des cotisations dont ils s’acquittent.
- L’exemple de la mutualisation portuaire :
Le marché de la langoustine vivante répond à des dynamiques qui varient selon les ports de débarquement. Certaines criées connaissent épisodiquement des accidents de marchés qui nécessitent une intervention de l’OP financée par les cotisations de l’ensemble des langoustiniers adhérents. Toutefois, les langoustiniers de ces criées apportent au pot commun les antériorités nécessaires en langoustine pour permettre aux navires d’autres ports de bénéficier d’un quota suffisant pour assurer la viabilité de leur entreprise.
Les exemples concrets de cette gestion collective sont nombreux. Il est important que chacun perçoive l’intérêt d’une telle gestion dans la durée, plutôt que par le prisme étroit de son propre navire subissant un évènement ponctuel, une crise ou une année difficile. Il est certain que cette organisation collective permettra de passer dans les moins mauvaises conditions, les caps difficiles que l’avenir nous réserve.