Focus sur les missions de l’OP : (2) Gérer les droits de pêche

Date de publication : 22 décembre 2017

Entamée dans le numéro précédent de notre lettre d’information avec la gestion du risque marché, nous poursuivons notre série sur la description des activités de l’OP avec la gestion des droits de pêche.

Gérer les droits de pêche

Aujourd’hui plus contraignante que par le passé, la réglementation européenne a nécessité la mise en place d’un mode de gestion des droits de pêche très structuré. Les Organisations de producteurs (OP) y jouent aujourd’hui un rôle prépondérant. Gros plan sur la gestion des droits de pêche opérée au sein de Les Pêcheurs de Bretagne, la plus importante OP de l’Hexagone qui représente à elle seule la moitié des quotas alloués à la France pour la mer Celtique et le golfe de Gascogne.

 

« La gestion de la ressource telle que nous la pratiquons aujourd’hui ne s’est imposée que très récemment, rappelle Thierry Guigue, directeur adjoint de l’OP. Ce n’est que dans les années 2000 que la pêche a connu un tournant important avec la montée en puissance de la problématique de la ressource et la mise en place de quotas plus contraignants. »

Des quotas décidés par Bruxelles, répartis entre Etats membres puis, au niveau français, entre les OP. C’est dans ce contexte qu’elles n’ont d’autres choix que de mettre sur pied de véritables stratégies de gestion. Pour Les Pêcheurs de Bretagne la gestion a un double volet :
– Une gestion de l’accès à la ressource à court terme
– Une gestion de la flotte à moyen et long termes

La gestion de l’accès à la ressource à court terme

A chaque nouvelle année et pour chaque stock soumis à quota, la France se voit attribuer une quote-part du Total admissible de captures (TAC) décidé par le Conseil des ministres européens de la pêche. Ces quotas sont ensuite répartis entre les différentes OP françaises (au nombre de 10 pour la façade Manche-Atlantique) au prorata des antériorités* cumulées de leurs adhérents respectifs. A charge pour chaque OP de choisir une gestion collective (c’est le cas de LPDB) ou individuelle des sous-quota dont elle a la responsabilité.
Concrètement, avant le démarrage de chaque campagne de pêche, les chargés de mission qui suivent les différentes pêcheries organisent des commissions pour réunir les adhérents impliqués et leur soumettre des propositions de plan de gestion pour les sous-quotas qui les concernent et qui le nécessitent. Lorsque l’adoption de mesures de gestion est nécessaire, c’est que le niveau de quota est contraignant et il est donc rare de trouver des solutions qui fassent l’unanimité. Le rôle des chargés de mission est d’apporter des éléments factuels aux membres des commissions afin de trouver ensemble le mode de gestion le plus équitable possible. Selon le niveau de tension sur le stock en question et les flottilles concernées (métier, taille, saisonnalité…), il peut s’agir d’allocations individuelles, de plafonds individuels forfaitaires, d’allocations collectives par métier, de limitations à la marée, de plafonds de captures par période…
Dans tous les cas, l’objectif de ces plans de gestion est de permettre à chaque adhérent de pouvoir accéder à la ressource au moment où il le souhaite en évitant les phénomènes de « course au quota » qui peuvent exister lorsqu’il n’y a pas de gestion collective. En effet, certaines espèces sont mieux valorisées en fin d’année et il est donc important que les différents sous-quotas restent ouverts jusqu’au 31 décembre pour que les adhérents qui souhaitent les pêcher à ce moment puissent encore le faire.
Les décisions de gestion prises en commissions sont ensuite soumises au Conseil d’Administration pour approbation. Une fois qu’elles sont validées, il faut les faire respecter. « Nous suivons les déclarations logbook des navires quasiment en temps réel et nous avons mis en place des alertes quand les seuils sont atteints, nous croisons aussi ces données avec les données de vente pour approcher le plus possible de la réalité indique Thierry Guigue. C’est la phase ingrate de notre travail mais elle est nécessaire et c’est une demande des adhérents que les règles, souvent âprement discutées entre eux, soient réellement appliquées pour tous. Si certains peuvent s’y soustraire alors, rapidement plus personne n’a confiance dans le système. Au-delà de vérifier le respect des décisions par chaque adhérent, il s’agit aussi d’évaluer si celles-ci doivent être renforcées ou au contraire si elles peuvent être assouplies en fonction du niveau de consommation global des quotas et de l’anticipation de la consommation à venir. Nous gérons les quotas avec prudence en essayant de trouver le niveau de contrainte qui permette à la fois d’éviter un dépassement anticipé du quota global mais aussi de ne pas terminer l’année en laissant « du quota dans l’eau ».»
Heureusement, pour de nombreux quotas (la lotte notamment), il n’y a pas de contrainte particulière à imposer aux navires : leur niveau de disponibilité permet à tous de travailler sans se soucier de respecter une limitation. C’est le cas pour environ 70% des stocks sous-quotas exploités par nos adhérents mais vu les contraintes sur d’autres quotas « clés », on a souvent tendance à se focaliser sur ceux là.

 

La gestion de la flotte à moyen et long termes

Outre la gestion annuelle des quotas qui lui sont attribués, l’OP a pour mission de veiller à l’adéquation entre la capacité de la flottille et le niveau de la ressource pour maintenir le niveau de rentabilité des entreprises de pêche. C’est donc elle qui définit les conditions d’adhésion. « Lorsqu’un armateur achète ou fait construire un bateau qu’il souhaite faire adhérer à notre OP il s’engage financièrement sur plusieurs années auprès des banques. Avant d’accepter son adhésion nous devons donc nous assurer que nous pouvons nous aussi nous engager à lui assurer sur plusieurs années un accès à la ressource qui permette la viabilité économique de son projet sans compromettre celle des adhérents existants», explique Thierry Guigue.
Pour ce faire, chaque projet d’adhésion est méticuleusement évalué grâce à des discussions avec le demandeur et dans le but de dresser un bilan entre d’un côté les besoins du navire (quotas, autorisations de pêche, licences…) et de l’autre les droits existants de ce navire (antériorités) ou les disponibilités au niveau du « pot commun » de l’OP.
Lorsque le projet d’adhésion n’entraîne pas de modification sensible de l’équilibre capacité de la flottille – niveau des droits de pêche au niveau de la flottille qui le concerne, il est soumis pour validation écrite à un groupe de référents composé de cinq administrateurs de LPDB et de sa présidente ce qui permet de gagner du temps dans la procédure. Les projets les plus complexes sont eux présentés en Conseil d’Administration trois à quatre fois par an.

* antériorités : niveaux de captures sur les années de référence 2001-2002-2003.

Le mot du directeur, Yves Foëzon

La gestion des droits de pêche est une optimisation sous contraintes devant permettre l’adéquation entre l‘accès à la ressource (quotas et licences) et la capacité de la flotte pour l’ensemble de nos adhérents. Cet exercice débouche sur un équilibre fragile et engendre beaucoup de frustration pour les producteurs, particulièrement lors du renouvellement des bateaux ou de l’installation des jeunes. Il faut résoudre des problématiques au cas par cas, ce qui demande de la patience et un effort pédagogique car un même cas « en apparence » peut être traité différemment en fonction de l’évolution du contexte au fil des années. Le contexte est justement l’autre rôle de l’OP sur lequel elle doit essayer d’agir tant par le biais de l’amélioration des avis scientifiques que la définition de la règlementation nationale ou communautaire. L’OP doit faire la synthèse des exigences à tous niveaux mais principalement celles de la Commission européenne pour permettre autant que possible la prise en compte de la réalité des activités des entreprises de pêche et de leurs contraintes. Enfin nous devons anticiper l’avenir en tenant compte des changements politiques tel que le Brexit, les pressions des ONG environnementales, le partage de l’espace marin et bien autres aspects comme les attentes sociétales. Tout cela pour démontrer que la gestion collective des droits de pêche au sein de LPDB est responsable et durable.

Qui fait quoi ?

Les récents départs et arrivées au sein de l’équipe de Les Pêcheurs de Bretagne ont entraîné une réorganisation de la gestion des droits de pêche et des adhésions. Il nous semblait donc important de préciser le rôle actuel de chacun.

 

Le suivi des adhésions

Pierre Carnet est en charge de la réception et de l’instruction des demandes d’adhésion :
– échanges avec le demandeur pour évaluer son projet (balance entre besoins et apports en droits de pêche)
– synthèse de la demande et présentation aux administrateurs
Nadine Le Madec s’occupe du suivi administratif des mouvements de navires :
– auprès des adhérents (constitution des dossiers d’adhésion)
– en interne (mise à jour du Système d’Information OP)
– auprès de l’administration

la gestion collective des droits de peche des adherents

– Instruction des demandes d’autorisation de pêche (AEP, ANP,) en lien avec l’administration
– Suivi de l’évolution du niveau des possibilités de pêche
– Organisation des commissions spécialisées
– Mise en place de plans de gestion des sous-quotas
– Suivi de l’application de ces plans de gestion et de la consommation globale des sous-quotas

 

L’APPUI TECHNIQUE

Baptiste Cautain gère le SIOP (outil informatique dans lequel l’OP met à jour la base de ses adhérents et réceptionne leurs données de ventes et logbook) et il met en place des algorithmes de traitement de ces données pour faciliter le suivi de l’application des mesures de gestion et de la consommation des sous-quotas.